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La participation citoyenne depuis 2019

Le mouvement citoyen Agora s’est présenté aux élections régionales bruxelloises en 2019 avec pour objectif d’institutionnaliser une Assemblée Citoyenne tirée au sort qui aurait un pouvoir législatif. Depuis la victoire de 2019 et l'élection d’un député, Agora a organisé 4 Assemblées pour porter le plus fidèlement possible près de 220 propositions citoyennes au Parlement régional bruxellois.

Derrière cet objectif, rappelons la raison d’être d'Agora: la transformation de notre système politique représentatif actuel en un dialogue inclusif et équitable. Comment donc réaliser cette démocratie participative représentative de la diversité de la population ? Pour répondre à cette question, il faut d'abord revenir au cœur du sujet.


Est-ce que les bruxellois.e.s vivent encore des manques démocratiques ?

Oui, cela semble malheureusement évident. Sondage après sondage, la défiance pour la démocratie représentative a du plomb de l’aile : plus de 70% des bruxellois.e.s ont le sentiment de ne pas avoir leur mot à dire sur les décisions politiques !


La participation serait-elle vécue comme une solution ? Plus de 55% des bruxellois.e.s sont en demande d’alternatives démocratiques où les décisions ne seraient pas uniquement entre les mains des élu.e.s et des partis politiques traditionnels. Plus de la moitié des bruxellois.e.s se disent prêt(e).s à s’impliquer dans la gestion de leur région !


Quel bilan tirer de la participation citoyenne depuis 2019 ?

Si il n’y a toujours pas d’assemblées citoyennes ayant un pouvoir législatif, de nombreuses initiatives ont vu le jour en en Belgique au cours des 4 dernières années :

Nous n’avons repris que les dispositifs les plus importants. Mais les initiatives sont également nombreuses au niveau communal comme le montre la participation citoyenne à Gand ou à Verviers. Et à l’étranger, on a aussi l’embarras du choix avec notamment le tirage au sort des assemblées citoyennes en Irlande depuis 2013 et à Paris depuis 2019. En 2021 l’Union européenne a organisé la Conférence sur l'Avenir de l'Europe avec 800 tiré.e.s au sort dans 27 pays.


Côté quantité, on est donc bien servi ! Mais qu’en est-il de la qualité ?

Chacun.e peut s’en faire une idée assez complète via l’étude (ULB-VUB) de la participation citoyenne ainsi que via la note de vision du nouveau Service de la Participation bruxellois. Constat général pour la Belgique, à l’exception des Assemblées Citoyennes Bruxelloises d’Agora, tous les processus précités sont consultatifs. Autrement dit, la seule garantie de suivi des recommandations citoyennes, c’est, un jour, une réponse plus ou moins argumentée des élu.e.s.


Toutes ces initiatives ont cherché à être représentatives de la diversité de la population. Elles ont montré que de simples citoyens sont désireux et capables de faire des propositions constructives et pertinentes sur des sujets complexes et graves : santé, logement, éducation, énergie, biodiversité, climat, rôle des citoyens en temps de crise, emploi et travail, …


Pour les participant.e.s, cette forme d’éducation à la citoyenneté par la pratique a certainement contribué à réduire le fossé entre citoyen.nes et élu.es. Ces processus ont également tous prouvés l’apport d’une délibération de qualité en permettant à des citoyen.ne.s de rechercher l’intérêt général d’une façon moins idéologique et clivante que le ne le font, le plus souvent, les partis.


Mais si on regarde à la loupe, des problèmes apparaissent. Passons en revue les plus criants :


Quels suivis politiques des recommandations citoyennes ?

Le problème le plus important reste que l’inflation des processus de consultation citoyenne n’aboutit pas ou rarement à une mise en œuvre des recommandations. Certes, certains processus sont récents et il est difficile de les évaluer, mais pour ceux où on a le recul nécessaire, les résultats sont décevants et parfois même interpellants.


Ainsi, le suivi politique des commissions délibératives bruxelloises semble partiel et partial: l’énergie mise par les élu.e.s pour donner des suites aux recommandations dépendait en grande partie de l’intérêt que chaque recommandation suscite dans le parti de l’élu.e. Les propositions citoyennes peuvent dès lors servir de “caution démocratique” pour des décisions déjà prises au sein de la majorité. Par exemple, des citoyen.ne.s mécontent.e.s de l’implémentation du plan “Good Move” se sont parfois vu opposé l’argument : “un panel citoyen l’a recommandé !”


Encore un écueil: le temps que prend ce suivi. Le rapport de mise en œuvre des mesures prises suite à la première assemblée citoyenne de la communauté germanophone a pris deux ans. Dans ces conditions, il n’est guère étonnant que ces processus découragent même les citoyen.ne.s à l’origine des recommandations.


Conclusion : le boom de la participation citoyenne sans impact législatif décourage les citoyens. Si les assemblées restent consultatives, il est probable que la population finira par se dire qu’elles sont inutiles.


Le choix des sujets

Si on veut que les assemblées citoyennes soient des espaces où traiter des choses qui s’expriment difficilement par les partis, le choix des sujets doit se faire de façon indépendante. Or, dans les nouvelles institutions citoyennes, seul le Dialogue Citoyen permanent en communauté germanophone, laisse un Conseil Citoyen choisir quel sujet doit être traité, et comment le formuler. Dans les commissions délibératives, les sujets émergent par pétitions, ce qui nous semble pertinent, mais ils sont ensuite priorisés et reformulés par des élu.es. Enfin, l’Assemblée climat, comme son nom l’indique, est cantonnée aux questions climatiques. Un thème central de notre époque, oui, mais il nous semble qu’une nouvelle institution doit pouvoir s'emparer de n’importe quel sujet.


Le cas spécifique des commissions délibératives

Les commissions délibératives sont les seules à être composées d’un quart d’élu.es. Une particularité qui a le mérite de faire découvrir au monde politique les bienfaits de la démocratie délibérative. Elle stimule donc tout particulièrement la rencontre entre citoyen.nes et élu.es. Malheureusement, comme l’évaluation de son comité d’accompagnement le met en évidence, il est très difficile de mettre à égalité des élu.e.s (expert.e.s de la négociation politique) avec des personnes qui découvrent ce type d’exercice.


Malgré la bonne volonté de certains élu.e.s, un rapport de force trop en leur faveur empêche le plus souvent ce type de dispositifs de laisser s’exprimer toutes les qualités des assemblées citoyennes. C’est pourquoi Agora veut maintenir des échanges avec les élu.es, mais en leur donnant un rôle strictement consultatif.


Voici un tableau récapitulatif des processus ayant vocation à être permanent :

Nom

Dialogue Citoyen permanent

Assemblée Citoyenne Bruxelloise

Commission délibérative

Assemblée climat

Commission délibérative

Niveau de pouvoir

Communauté germanophone

Région bruxelloise

Région bruxelloise

Région bruxelloise

Région wallonne

Sujet choisi par…

Conseil Citoyen

Ancien.ne.s participant.e.s

Pétition & élu.es

Commanditaire

Pétition & élu.es

Délibération

sans élu.e

sans élu.e

avec élu.es

sans élu.e

avec élu.es

Suivi

consultatif

décisoire

consultatif

consultatif

consultatif

Et le travail d'Agora au parlement ?

Même si le suivi politique d’Agora est le plus fidèle possible, il est évident que face à 88 autres élu.e.s au parlement bruxellois, un seul élu, identifié comme faisant partie de l’opposition, n’a qu’un impact limité. Le bilan des centaines d’interventions parlementaires de Pepijn Kennis est donc contrasté : de rares propositions furent acceptées, d’autres amendées, beaucoup furent considérées, mais souvent parce que cela entrait en résonance avec la ligne politique de la majorité en place.


Cependant, une autre manière de représenter les citoyens traîne désormais dans la tête des élu.e.s. Selon une étude du CRISP de mars 2022 seulement 13% des 91 élu.es francophones interrogés restent contre tout processus participatifs, 62% sont favorables aux consultations et près de 25% sont en faveur d’assemblées qui auraient un vrai pouvoir. Donner une partie du pouvoir aux citoyen.ne.s fait donc son chemin, mais il en reste beaucoup à parcourir.


Agora.Brussels tire les leçons des Assemblées Citoyennes Bruxelloises tirées au sort et continue l’expérimentation pour découvrir et partager tout le potentiel de cette innovation démocratique. Notre travail ? C’est continuer d’obliger les élu.e.s à prendre en considération chaque proposition citoyenne. C’est dénoncer de l’intérieur toutes les formes de participation washing qui aboutissent à une défiance accrue des citoyen.ne.s. C’est favoriser l’émergence d’une participation citoyenne indépendante des élu.e.s et déposer les textes qui le permettrait.


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